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PASSAGE DE L’HOMME

C’était l’Homme qui me parlait, à moi sérieusement. Je ne songeais pas à me marier. Et avec qui me marierais-je ? « Je t’amènerai, dit l’Homme, quelqu’un des Iles ».

Cinq heures sonnèrent. L’Homme entr’ouvrit la porte. L’air était doux et comme dormant. Une clarté blanche montait du Fleuve. Nous restâmes là tous quatre, à ne rien dire. Est-ce qu’on priait ? Non, cela n’était plus prier : on était comme entrés en Dieu. L’Homme se sangla, mit sa pèlerine sur ses épaules, flatta le chien, attaché à la chaîne. « Allons ! » dit-il. Et Claire et lui nous embrassèrent comme s’ils partaient pour le village et qu’ils dussent revenir le soir.

Sur le sentier, est-ce qu’ils se retournèrent ? Nous entendions leurs pas sur les cailloux, mais il n’y avait pas encore assez de clarté pour qu’on pût les voir. La Mère rentra la première, et elle s’assit, et elle pleura, comme quelqu’un qui en a envie depuis des jours, à gros sanglots, et très longtemps.