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POÉSIES


O Beauté ! Si tu fonds dans le creuset avide
Où l’on n’a retrouvé que des sensations,
Et si l’œil abusé reflète dans le vide
Le spectre intérieur de ses illusions,

Laissons-la ces progrès affreux qui nous désolent,
Oublions-les, fuyons et cherchons-nous ailleurs,
Aussi loin, aussi haut que les rêves s’envolent,
Le mensonge sacré nécessaire à nos cœurs.




Nous irons frapper aux portes mystiques
Aux portes d’or pur des beaux paradis,
Où ceux qu’ont aimés les dieux de jadis
Joignent les deux mains au son des cantiques.

Nous ranimerons le dernier écho
De leur voix qui meurt à travers les âges ;
Nous évoquerons les saintes images
Qui flottaient aux yeux de l'Angelico,

Et suivant l’Agneau divin qui les guide
Des palmes aux mains, une étoile au front,
Elles passeront et nous souriront
Toutes blanches sur l’Outremer limpide.

Quand nous serons las des cieux parcourus
Nous nous chercherons tout au bout du monde,
Sortie à nos vœux de la mer profonde,
Une île aux prés verts qu’on ne connaît plus ;