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d’autres vivent. Viens, le sang est une prière et une rédemption, et depuis le Calvaire il faut cette rosée sanglante au germe de tout grand avenir. » Et le jeune homme redescend en lui-même ; il entend la voix de son âme de volontaire de la Sainte Vierge où habite le Christ de ses communions quotidiennes, le sublime recruteur de sacrifices. Et le rêve de Dollard est achevé et la détermination du martyr est arrêtée. Du fond de sa poitrine et du sein de la grande nature vierge, une voix monte, pressante et pareille et qui lui crie : « Va, petit commandant de Villemarie, sois le héros de la délivrance, et, s’il le faut, sois-en le martyr. »

Il lui fallait des compagnons ; il se mit à les recruter. Il n’eut qu’à se montrer, qu’à parler pour se faire suivre. Seize héros demandèrent à partir. Pour être libres du côté de la vie quelques-uns font leur testament et cèdent leurs biens. Puis, un matin du mois d’avril 1660, dans l’humble chapelle de l’Hôtel-Dieu, s’achevait la veillée d’armes. Les seize, Dollard à leur tête, entendent une dernière messe, communient et partent.

À peine ont-ils quitté le rivage qu’un premier malheur les arrête. Trois compagnons leur sont tués dans une embuscade. Ils reviennent à Villemarie. Très simplement ils inhument leurs morts ; de nouvelles recrues viennent combler les vides et la compagnie des héros reprend le chemin du sacrifice.

Leur plan est très simple. Un grand nombre d’Iroquois qui ont passé l’hiver à chasser dans le haut de l’Outaouais, vont descendre par là. Il s’agit d’aller au-devant de l’invasion, de lui barrer la route pendant quelque temps, d’infliger à l’ennemi des pertes si sanglantes que, pris d’effroi, il rebrousse chemin. Ce plan, vous savez ce qu’ils en ont fait. Le 1er mai ils sont au pied du Long-Sault. Et les envahisseurs les ont rejoints. Trois cents Iroquois se sont sentis trop peu pour faire face aux embusqués du petit fortin de pieux. En toute hâte, des courriers sont venus chercher l’avant-garde de l’invasion aux îles Richelieu. Bientôt les barbares sont huit cents à se lancer contre la palissade des Français. Le siège dure huit jours. Les assiégés combattent et prient ; des Hurons leur apportent du renfort et ensuite les trahissent. Au moment de l’assaut suprême, les