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SI DOLLARD REVENAIT


Vous connaissez cette belle histoire de jeunesse héroïque.

Depuis plus de vingt ans, une terreur farouche sévit en la Nouvelle-France. La première puissance de l’Europe se laisse insulter et tenir en échec par une poignée de sauvages. Bourgade par bourgade, les Barbares ont détruit la nation des Hurons, alliée des Français ; ils ont supprimé les pourvoyeurs de fourrures, bloqué les voies du commerce, martyrisé les missionnaires ; et la France n’a pas bougé. Ils sont venus jusque dans l’Île d’Orléans capturer les Hurons fugitifs, et narguant le canon du fort, ont défilé devant Québec avec leurs trophées humains. Par petites bandes sournoises ils se répandent tout le long des défrichés ; et les femmes et les enfants sont enlevés, et les hommes sont scalpés dans leur champ ou réservés pour le supplice du feu dans les villages lointains. Et la France ne bouge pas.

La colonie crie en vain sa détresse. Les ambassades, plus de dix, se suivent sans résultats. En 1642, puis en 1644, Richelieu et la Régente veulent bien nous envoyer quarante, puis soixante soldats.

Nous sommes en l’année 1659. Enhardie par cette faiblesse qui ne sait point se défendre, la nation iroquoise a résolu le dernier coup. Au printemps prochain une armée de douze cents guerriers va s’assembler à la Roche-Fendue, près de Villemarie, puis de là courir à Québec y détruire le poste, se rabattre sur les Trois-Rivières et sur Villemarie.[1]

  1. Marie de l’Incarnation. Lettre, 25 juin 1660.