Page:Groulx - Si Dollard revenait, 1919.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 23 —

et lentement dans la recherche et le combat de la vérité, c’est user le meilleur de l’homme et devenir une hostie d’élite. Instinctivement l’on se redit à soi-même le grand mot de Pascal : « Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions ensemble ne valent pas le moindre mouvement de charité : cela est d’un ordre infiniment plus élevé. » Mais alors qui pourra concevoir que l’on veuille perdre quelque chose de la valeur d’un tel holocauste ? L’on se prend à penser, non sans une haute et généreuse envie, aux forces qui agiraient pour nous là-haut, le jour où ceux qui écrivent et qui parlent et qui veulent, aussi entièrement que Dollard, que leur effort serve la patrie, n’écriraient plus une ligne, plus un mot, sans se redire à eux-mêmes la réflexion saisissante d’Ernest Psichari à Paul Bourget : « C’est un tremblement que d’écrire en présence de la Très Sainte Trinité. » Qui sait ? Nous verrions peut-être s’évanouir l’écart toujours déprimant qui nous paraît exister ici-bas entre le meilleur dévouement de l’homme et les résultats qu’il obtient.

Voilà, les leçons et les exemples que revivrait Dollard revenu parmi nous et appliquant son action aux réalités nouvelles. Mais que parlons-nous de ce retour hypothétique ? Est-ce que le héros ne va pas revenir ? Est-ce que déjà il n’est pas revenu ? N’est-ce pas lui qui est au milieu de nous, depuis quelques années que nous revivons son souvenir, que nous célébrons son immortelle jeunesse ? Dans quelques mois il apparaîtra réel et palpable, sur une place de notre grande ville, dans le geste de sa victorieuse défaite, auréolé d’apothéose, pathétique et beau, tel qu’il est sorti du cerveau de Laliberté. Oh ! qu’il est temps que tu nous reviennes, ô commandant du vieux fort de Villemarie. Nous avons tant besoin d’un jeune chef comme toi et d’un pareil entraîneur d’hommes. Là-bas, regarde, à la frontière où tu tombas, une barbarie aussi envahissante que l’ancienne s’en vient et menace nos âmes françaises. Ici c’est l’œuvre d’une reconstruction et d’une réfection totale qu’il nous faut entreprendre. Lève-toi, ô Dollard, vivant sur ton socle de granit. Appelle-nous avec ton charme viril, avec tes accents de héros. Nous lèverons