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les saints de sa patrie. Il n’est pour lui que d’adapter, par une intention et une volonté surnaturelles de foi, son activité à la causalité de Dieu, il n’a qu’à faire appel à la légion des ancêtres glorifiés, et, tout de suite, revêtu d’une dignité et d’une puissance agrandies, il entre dans cette région où se décide l’avenir des races, ou par une préordination magnifique, s’élaborent en faveur de la prière humaine, les plus généreux des plans divins. L’homme de foi qui pense, qui agit, qui parle, qui écrit, qui se bat en priant, n’est plus un homme ; il prend l’attitude d’un collaborateur sublime dans l’œuvre providentielle.

Vous apercevez de là, combien c’est rehausser les buts de la vie et fortifier les motifs de nos sacrifices que d’y faire entrer de l’éternel, la toute-puissance de l’Infini. L’aspect consolant de cette vérité c’est qu’ici la carrière s’ouvre à tous et large à chacun. Notre foi ne connaît plus de petites actions ni de petits agissants, quand uni étroitement au Christ comme les sarments au cep, on participe à la dignité et à la puissance infinies de ce Chef glorieux. J’en crois l’aveu de ce jeune philosophe chrétien, Jacques Maritain, agrégé de philosophie à Stanislas, qui écrivait naguère : « Il est sûr, en raison de cette solidarité surnaturelle, que non seulement la vie et la joie des convertis, mais encore les grâces actuelles reçues par tous ceux qui, sans confesser encore la foi catholique, aperçoivent déjà dans la beauté de l’Église l’éclat de la lumière éternelle, et parfois s’enorgueillissent de cette science, ont été payés exactement par les larmes de quelque contemplatif très humble, ou par un regard d’amour vers le Saint Sacrement, ou par des vies entières de pénitence héroïque, bref par cette une et innombrable messe où le Christ avec ses membres s’offre chaque jour à Dieu. »[1]

Mais combien plus ces fortes vérités doivent impressionner le volontaire du service intellectuel. Celui qui dévoue à Dieu son intelligence, sert au plus haut point l’ordre divin, parce que la vocation des chrétiens, dit encore Maritain, est une vocation contemplative. User son esprit

  1. Cité par Agathon. Jeunes gens d’aujourd’hui p. 209.