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L’ACTION EFFICACE


Cette fécondité du sacrifice exige pourtant une condition. Le sacrifice de l’homme est peu de chose si l’on n’y infuse un ferment divin, s’il ne s’élève jusqu’à la puissance surnaturelle.

Dollard avait compris cette vérité et il a voulu incorporer à son sacrifice et à celui de ses compagnons les plus nobles éléments spirituels. Vous vous rappelez cette veillée d’armes, cette messe dans la petite chapelle de Villemarie, où, sous le regard de leurs mères, de leurs sœurs, ou de leurs fiancées, sous le regard de leurs pères et de leurs amis, dans le bruit des sanglots étouffés, dix-sept jeunes gens qui avaient communié et qui allaient à la mort, laissaient se former dans leur poitrine une prière qui devait ressembler à celle-ci : « Ô Dieu de l’hostie et de la Nouvelle-France, Dieu qui êtes là, dans notre cœur comme au ciel, nous voici devant vous, nous la petite compagnie de Dollard qui s’en va mourir pour ce pays. Nous l’avons décidé parce que nous croyons à l’efficacité du sacrifice uni au vôtre, parce que de notre mort vous pouvez faire germer l’avenir. Nous allons tout quitter, nous allons laisser derrière nous nos sœurs, nos mères, des deuils et des larmes. Mais vous nous l’avez dit, ô Maître, le grain de blé qui meurt en terre, recrée une vitalité infinie… » Ils prient ainsi, les braves enfants ; et pendant que cette prière jaillit de leur cœur, sur l’autel le prêtre, dans ses mains tremblantes, prend leur sacrifice et l’unit à celui de Dieu. Et vous savez tout ce qui a jailli de cette union merveilleuse.

Si Dollard revenait il exigerait encore de ses compagnons qui voudraient le suivre, cette mise de surnaturel dans leur effort humain. Il leur dirait : « Vous qui voulez des résultats et qui êtes sincères, qui ne voudriez point, par votre faute, par un déficit volontaire, diminuer, pour la plus petite part, le rendement de votre action, ayez tout