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Notre Maître, Le Passé

roisse canadienne aurait bientôt, il s’en flattait, ses professeurs de vérité divine et humaine, ses éveilleurs d’action, ses chefs reconnus spontanément par le prestige de leurs services.

À cela se bornerait-elle l’œuvre de l’évêque ? La tâche première du chef d’Église, successeur du Christ, c’est d’élever les hommes jusqu’aux altitudes de l’Évangile ; c’est d’animer les âmes de la vie supérieure du catholicisme : « Veni ut vitam habeant. » François de Laval qui avait placé dans les plus humbles hameaux, le maître de vérité et le dispensateur de surnaturel ; qui, par une forte et paternelle discipline, s’était constitué le gardien de la morale, ne se contenta point de ce rôle magnifique. Sa grande âme conçut l’ambition d’élever à la plus haute noblesse morale, le jeune peuple dont le miracle entourait le berceau. Quand il défendait la race indienne contre l’eau-de-vie meurtrière, sans doute voulait-il sauver tout d’abord la réputation du roi très-chrétien et le dessein apostolique de son pays. Mais dans le même temps, avec son regard de prophète, il prétendait fonder la vocation surnaturelle de notre peuple. Dans sa pensée la jeune race devait être la collaboratrice des missionnaires, l’apôtre des nations indiennes. C’est bien lui qui propose, comme idéal à ceux qu’il enrôle dans la confrérie de la Sainte-Famille : « la conversion des infidèles par l’exemple d’une vie irréprochable ». Et voilà comment le rêve des missions lointaines restera mêlé à l’âme de la Nouvelle-France.

Le rêve n’avait-il point quelque chose de trop haut ? Une loi de l’action spirituelle veut que l’apôtre soit d’abord, par sa propre vie, le suprême animateur. François de Laval saurait-il entraîner son peuple au sommet qu’il lui avait fixé ? Ah !