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Notre Maître, Le Passé

Montréal et jusqu’au fort Sainte-Anne, à l’entrée du lac Champlain. C’est de l’année 1660, lendemain de son arrivée, qu’il faut dater le nouveau mouvement vers les missions lointaines. « Cet été, » écrit-il alors au Saint-Père, « un prêtre de la Compagnie de Jésus est parti pour une mission éloignée de plus de cinq cents lieues de Québec. » L’évêque n’est lui-même que le premier de ses missionnaires. Quand ils ne sont point là, pour les besoins pressants, François de Laval les supplée. À quatre-vingt-un ans ce vieillard infirme se traîne encore par les routes jusqu’à Montréal pour administrer le sacrement de confirmation. Et vraiment il a fallu l’ignorance et le mépris où les artistes ont tenu notre histoire, pour que le tableau soit encore à faire de cet évêque, descendant du premier baron de France, s’en allant, par les chemins d’hiver, les raquettes aux pieds, sa chapelle sur le dos, dire la messe à quelque habitation perdue de la Nouvelle-France.

Néanmoins l’étendue du champ n’a pas dispersé le travail de l’ouvrier. Son labeur va s’accomplir en solidité et en profondeur. C’est merveille comme il a su créer à l’Église canadienne ses organismes capitaux. Tout n’est pas à fonder quand il arrive : les Récollets, les Jésuites, les Sulpiciens ont jeté les premières bases. Beaucoup de choses attendent cependant une impulsion ; toutes ont besoin d’être ramenées à l’unité. Il faut le redire : l’unité, c’est le grand besoin de ces petites colonies trop dispersées dans la grande et que les mailles plutôt lâches de l’administration civile laissent à leur isolement. C’est l’Église qui fera les cadres solides, la première unité de la Nouvelle-France. Les familles se grouperont autour du clocher encore plus qu’autour du manoir. Et l’é-