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François de laval

lui imposait son rôle de chef religieux. Marie de l’Incarnation qui avait percé l’homme de son regard de sainte, notait tout de suite son grand air surnaturel : « Que l’on dise ce que l’on voudra, ce ne sont point les hommes qui l’ont choisi. » Ce qui d’ailleurs apparaît encore ici, comme la première attitude de son esprit, c’est le besoin de se mettre dans l’ordre souverain, dans la vérité absolue. François de Laval fut, au sens magnifique du mot, un évêque romain. Il voulut l’être par sa nomination, qu’en sa qualité de vicaire apostolique, il tint de Rome exclusivement ; il voulut l’être par le sacre, recevant du Nonce d’Alexandre VII l’onction du pontificat ; plus tard il voulut l’être par l’érection de son diocèse, créé indépendant de tout évêché de France et rattaché immédiatement au Saint-Siège. Évêque romain, François de Laval le fut encore par le rite de son Église qu’il voulut être celui même de Rome ; il le fut enfin par la doctrine intègre et fière qui lui valut de sauver son troupeau des aventures gallicanes et jansénistes.

L’œuvre qui l’attend au sein de la Nouvelle-France est immense. Le territoire où doit se déployer son action, s’étend déjà depuis l’Acadie jusqu’à Montréal. Le long de cet espace il n’y a guère que onze églises, et, pour les desservir, neuf prêtres séculiers, puis seize Pères de la Compagnie de Jésus dont plusieurs occupés aux missions indiennes. Lorsque trente ans plus tard François de Laval laissera son œuvre entre les mains de son successeur, la puissance française aura fait à travers le continent, ses bonds gigantesques, mais sans jamais distancer le zèle de l’évêque. Dès l’année 1668 il a parcouru en canot le champ entier de son labeur, depuis Tadoussac jusqu’à