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Notre Maître, Le Passé

de Denonville à M. de Seignelay : « La preuve (du mal) en est… dans le peu de vieillards que l’on voit parmi les Français, qui sont vieux et usés à l’âge de quarante ans. » Non, il ne faut pas cesser de le dire bien haut : en tenant tête à d’Avaugour. à Frontenac, à Talon, à Colbert lui-même sur le commerce des alcools, François de Laval ne défendait pas seulement l’honneur de la France apostolique ; il ne sauvait pas seulement la race indienne ; il sauvait d’abord la nôtre.

La colonie se développait. Désormais planté en bonne terre et s’appuyant au tuf vigoureux, l’arbrisseau grandissait avec la beauté d’un jeune érable. Entre les points brisés la continuité s’établissait. Le jour était venu où une autorité maîtresse devait s’imposer aux seigneuries, aux paroisses encore isolées. L’heure pressait de sauver les petites communautés du péril de l’individualisme, suite de l’éparpillement. Il fallait un pouvoir, une âme qui vivifiât les membres épars de la Nouvelle-France et leur fît la conscience d’une même entité sociale. Nous doter de cet organisme d’unification fut encore le mérite de cet homme qui avait reçu au plus haut degré le don de gouverner. « Le Conseil souverain du Canada, » nous dit M. de Latour, « fut l’ouvrage de son premier évêque. » C’est au prélat, non pas à M. de Mésy, bien que tous deux s’en reviennent ensemble de France, que le roi confie les ordonnances de 1663.


Et dans ce Conseil, quel rôle que celui de François de Laval ! Pour en bien juger il faudrait reprendre les délibérations de notre petit parlement de Québec, pendant les longues années que l’homme d’Église y collabora ; à chaque page, à chaque ordonnance se lèveraient les témoigna-