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François De Laval

Cependant Louis XIV se prépare à prendre dans ses mains souveraines le sort de la colonie. Bientôt les immigrants de Talon vont toucher à nos rives ; ils vont venir nombreux ; il y a péril que les autorités se relâchent sur la moralité des recrues, sur celles qui achèveront de constituer les sources de notre race. Ici encore François de Laval fut le protecteur. Nous savons, par une lettre de Colbert, que le vicaire apostolique écarta les « gens des environs de la Rochelle et des îles circonvoisines » peu laborieux et tièdes chrétiens, pour leur préférer les habitants de Normandie et des provinces avoisinantes. Sur la prière de l’évêque, le roi écarte de même les huguenots. « Nous ne souffrons ici aucune secte hérétique », peut écrire au Pape François de Laval ; « c’est ce que le roi m’a accordé pieusement sur la demande que je lui en ai faite avant de quitter la France. » Ainsi se trouvaient assurées au peuple naissant, avec l’homogénéité religieuse, la pureté morale qui est la première noblesse.

Cette noblesse, le chef religieux fut encore là pour la défendre quand le suprême danger la menaça. Nos historiens n’ont ni assez vu ni assez dit que, dans l’affaire de l’eau-de-vie, se trouvaient engagés la santé physique de la race, l’honneur même de notre sang. Le péril de la dégénérescence n’existait pas seulement pour les Indiens. Ceux qui transportaient l’eau-de-feu dans les bois, ne laissaient pas de s’y brûler eux-mêmes. Or je songe qu’à l’époque de Frontenac, il y a près de huit cents coureurs de bois et que ces huit cents sont la moitié des hommes mariés. Pour entrevoir ce qu’il fût advenu des sources mêmes de notre vie, si le désordre n’eut cessé, je n’ai plus besoin que de lire ces lignes navrantes du marquis