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François de Laval



Il y a tout juste quinze ans que son nom a remué notre pays. Il venait de sortir de sa tombe pour prendre place parmi les immortels du bronze. Entre tant d’autres glorifiés avant lui, il s’imposa par sa haute taille. Une simple date, un troisième centenaire de naissance ramène son souvenir ; et, comme à sa mort, et comme à la translation de ses restes en 1878, et comme il y a quinze ans, chacun peut mesurer sa place unique dans notre histoire.

C’est que son œuvre fut sans parallèle ! À une époque décisive dans l’histoire de la Nouvelle-France, nul n’a tenu un pareil rôle politique et spirituel. Quand le 17 juin 1659, au bruit des cantiques, des clochers et du canon, les habitants de la petite ville de Québec vont saluer, au bord du fleuve, le premier vicaire apostolique du Canada, ils font à ce grand ouvrier de la colonie l’accueil qui lui revient. Les sauvages l’ont dit dans leur langue pittoresque : François de Laval est bien « l’homme de la grande affaire ».


Il arrive à la veille de 1660, au plus fort de la terreur iroquoise. Mal fondée, mal soutenue par les compagnies égoïstes, la Nouvelle-France hésite, depuis cinquante ans, entre la mort et la vie. L’arbrisseau a été jeté sur la rive nouvelle, sans même être planté, et a moins l’air d’un rejeton de France que d’un débris de marée. Quand l’illustre immigrant remonte le fleuve, on se figure aisément, sous quelle image lui apparaît le pays. Dans ce