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Notre Maître, Le Passé

sans les connaître, en des phrases vides, issues des poumons plus que de la tête, où se plaisait à triompher une rhétorique héréditaire. L’exaltation des héros qui jaillit de la connaissance de leur histoire, aura toujours, indépendamment de notre volonté, la vertu d’un idéal. Aussi longtemps que les hommes se laisseront émouvoir par le spectacle des nobles actions et des nobles vies, le culte des plus grands fils de la patrie n’ira pas sans la résolution de se laisser gouverner par eux. Nous n’évoquerons pas sans doute le souvenir des superbes coureurs de fleuves, pour recommencer ce qu’ils ont fait, pour ajouter à l’affreuse dispersion de notre race. Ce n’est pas la vie des morts, c’est leur âme que les vivants doivent recommencer. La grande dispersion d’autrefois, rectifiée par l’Esprit de Dieu, est entrée sûrement pour quelque chose dans notre goût des missions lointaines, dans la gloire apostolique de notre jeune race. Empruntons aussi, aux hardis explorateurs des temps passés, pour les entreprises d’aujourd’hui, pour les œuvres où la Nouvelle-France doit se reconstruire, empruntons-leur l’esprit de décision, l’audace réfléchie, le courage français et toujours leur pointe d’idéalisme.

Jeunes gens, vous irez chercher dans les décombres, les vieux portraits des ancêtres dont les traits sont trop oubliés. Pieusement, vous les laverez de leur poussière. Vous ranimerez ces fiers visages de chevaliers, de pontifes, de martyrs et de vierges, afin de les regarder dans les yeux. Et vous connaîtrez la puissance d’un regard où la noblesse morale a le sourire d’une parenté.