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La Découverte Du Mississipi

Comment se fait-il, qu’après de si grandes choses, les deux découvreurs du Mississipi soient encore des noms qui traînent après eux une confuse histoire ? Nos yeux ne feraient-ils pas bien de se tourner plus souvent vers ces régions où fut écrit, plus fortement qu’ailleurs, le poème de l’énergie française ? Pourquoi faut-il qu’il y ait des lieux nostalgiques, non seulement par ce qu’ils portent de gloire brisée, mais plus encore peut-être par le pesant oubli qui les enveloppe ? Toute cette gloire est à nous et nous le savons à peine. La statue du Père Marquette est au capitole de Washington. Celle de son compagnon est au Jolliet High School de l’Illinois ; elle n’est nulle part sur nos places publiques. Et pourtant Louis Jolliet fut le premier Canadien qui connut la gloire.

Il y a vingt-cinq ans, un collectionneur de Toronto arrêtait, dans les rues de Montréal, deux jeunes ouvriers attelés à une charrette et qui emportaient des matériaux de démolition. Dans ces décombres, le collectionneur avait aperçu un bout de planche qu’il acheta pour quelques sous. Rentré chez lui, il lava soigneusement ce panneau qui, par derrière, portait gravé en creux et plusieurs fois le nom de Marquette, avec cette date et cette signature : « 1669, R. Roos ». Et voilà, qu’en effet, le collectionneur découvrit, sous la poussière et dans cette peinture fortement écaillée, le portrait du jésuite Jacques Marquette.

Quel symbole ! Combien de nos grands souvenirs, jetés parmi les décombres de nos mémoires, ont pris le chemin de l’oubli. Quelques-uns se plaignent de notre patriotisme qui s’arrêterait, paraît-il, à glorifier les ancêtres. Là n’est point l’abus ni le péril. Notre erreur ne fut point de trop glorifier les ancêtres, mais de les glorifier