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Une Grande Date

sent, les hérauts ? Le missionnaire est, par vocation, un ambassadeur de paix. Les pauvres indigènes qui voient aborder chez eux la Robe-noire, savent que l’homme de Dieu ne porte point d’armes, que ses lèvres ne vont s’ouvrir qu’aux paroles désintéressées. « Loin de traiter l’Indien comme un étranger et un barbare », est forcé d’avouer Parkman, (les missionnaires jésuites) « faisaient de lui un frère, un concitoyen ». Et Garneau félicite Champlain « d’avoir assuré à son pays la possession des ruineuses contrées de la Nouvelle-France, sans le secours presque d’un soldat et par le seul moyen des missionnaires, et d’alliances contractées à propos. »


Un soir de mai de l’année 1675, un canot monté par deux hommes longeait péniblement la rive-est du lac Michigan. Empêchée bientôt par le vent, l’embarcation rebroussa chemin et vint aborder à l’embouchure d’une petite rivière. Les deux hommes prirent alors dans leurs bras, un de leurs compagnons couché au fond du canot et le portèrent doucement à quelque distance sur la rive. Il y avait là une éminence et le malade avait dit : ce sera le lieu de mon dernier repos. En hâte les deux canotiers dressèrent à leur compagnon une méchante cabane d’écorce et lui firent un peu de feu. Devant eux s’étendait comme l’infini, le grand lac des Illinois ; cent lieues au delà les séparaient de la mission de Michilimakinac où le malade espérait arriver. Celui-ci, encore jeune homme, allait succomber à trente-huit ans, usé par d’héroïques fatigues ; il s’appelait Jacques Marquette. À peine revenu de la découverte du Mississipi, et atteint déjà gravement, l’apôtre était reparti pour les Illinois de Kaskaskia. La tâche