Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
Notre Maître, Le Passé

Père parle de ses fatigues : « Il y a 200 saults ou chutes d’eau, écrit-il, et partant 200 portages, où il faut porter canot et équipage tout ensemble sur son dos ; il y a 400 rapides, où il faut toujours une longue perche aux mains, pour les monter et les franchir ; je ne veux rien dire de la difficulté des chemins, il faut l’expérimenter pour la comprendre. Mais on prend courage quand on pense combien d’âmes on peut gagner à Jésus-Christ ». Aussi les missionnaires ont-ils mérité cet hommage de l’historien américain Bancroft : « Cinq ans avant qu’Elliott de la Nouvelle-Angleterre eût adressé un seul mot aux sauvages qui se trouvaient à moins de six milles de Boston, les missionnaires français plantaient la croix au Sault Sainte-Marie, d’où ils portaient leurs regards vers le pays des Sioux et la vallée du Mississipi ». Fixés à tous les postes stratégiques et, de là, rayonnant vers les nouvelles découvertes, les missionnaires Jésuites développent l’influence française autant que le règne de l’Évangile. Ces religieux ne se sont pas tenus pour battus après la destruction tragique de leurs missions huronnes. Ils se sont remis à border les rives des grands lacs et des rivières, de petites communautés chrétiennes, non pas avec le rêve humain que leur prête Parkman, de former un boulevard d’où la Nouvelle-France, maîtresse incontestée du continent, eût opposé « à l’Angleterre et à la liberté, l’athlétique champion des principes de Richelieu et de Loyola » ; mais ils travaillent et ils meurent pour agrandir le royaume de Dieu, enseigner à ces nations belliqueuses la douce fraternité du Christ et engranger des moissons pour le ciel. Quand ils ont fait cette besogne, où donc est le mal si, en servant l’Évangile, ils servent la patrie dont ils sont aussi, quoi qu’ils fas-