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Une Grande Date

quelques vestiges de ce gigantesque chaînon. L’entreprise n’en eut pas moins des proportions majestueuses qui éblouiront toujours l’historien. En dépit de son échec, elle se survit par l’esprit merveilleux qui la conçut, par l’espèce d’humanité qu’elle manifesta. « Bien des fois, » écrit M. John Finley, « en faisant ces années dernières, avancer ma barque à la perche ou à l’aviron, sur quelqu’un de ces affluents (du Mississipi), j’ai pensé et dit à mon compagnon : « Combien ces rivières seraient moins suggestives, si les Français n’y étaient point passés les premiers, avec leur bravoure et leur esprit d’aventure ! »[1]

À ne considérer que les vertus physiques, quelle belle race aux muscles d’acier que celle qui a pu alimenter la légion ailée des coureurs de bois, soutenir victorieusement les randonnées de Tracy, de la Salle, du chevalier de Troyes et de d’Iberville ! Mais il y a autre chose en ces hommes et en leurs suivants que la beauté athlétique. Les « Relations inédites de la Nouvelle-France » nous décrivent ainsi les mérites du sieur Jolliet qui sont aussi les mérites de l’explorateur : « C’est un jeune homme natif de ce pays, qui avait pour un tel dessein tous les avantages qu’on peut souhaiter. Il a l’expérience et la connaissance des langues du pays des Outaouais où il a passé plusieurs années ; il a la conduite et la sagesse qui sont les principales parties pour faire réussir un voyage également dangereux et difficile. Enfin il a le courage pour ne rien appréhender où tout est à craindre ». Ajoutons à cela les connaissances d’ordre astronomique, les qualités de l’ingénieur, pour se guider, pour faire la topographie des découvertes,

  1. Les français au cœur de l’Amérique, p. 93