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L’Ancêtre

l’ai vu surtout, à l’instant de la bataille, continuant sa besogne de Français, tout simple comme aux champs, frappant de la même hache jusqu’au bout de son souffle, puis tombant sous l’effort trop grand, avec la paix et la fierté du devoir. Enfin, j’ai aperçu une pauvre mère désolée, veuve à quarante ans, qui rentrait le lendemain dans sa maison si vide, pour y presser contre son cœur ses huit enfants et contre ses lèvres le crucifix d’argent apporté du vieux pays, crucifix vénérable venu jusqu’à nous, tout usé, tout poli par les lèvres des anciens. Oui, j’ai revu tout ce passé si cher, si simple et si grand, ô chers vieux ancêtres, humbles héros qui, avec tant d’autres anonymes, avez bâti notre histoire émouvante. Et moi, votre petit-fils lointain, qui vous envoyais ce jour-là mon salut le plus pieux, je fus aussi le pèlerin qui voudrait vous revenir avec du bronze et des fleurs.

Décembre 1920.