Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un Concours d’histoire



J’avais demande à Thérèse, une petite nièce à moi qui a bien huit ans : « Lequel est le plus grand, de Dollard ou de Madeleine de Verchères ? » Et voyez ce que peut faire le féminisme ! Thérèse m’a répondu avec une petite moue, très vexée : « Mais Madeleine de Verchères, Monsieur l’abbé ! » Thérèse m’appelle « M. l’abbé » quand elle n’est pas contente. Là-dessus l’impitoyable enfant s’apprêtait à me servir un plaidoyer écrasant : je le voyais au frémissement de ses lèvres, à ses yeux montés au front, tournés vers sa mémoire. Hélas ! la pauvre Thérèse avait compté sans l’intervention du sexe fort qui parla par la bouche de Paul, son petit frère. Le gamin qui faisait son thème à l’autre bout de la table en se tenant les oreilles bien ouvertes, s’exclama avec assez peu de galanterie : « Je vous demande pardon, mademoiselle, ce n’est ni Madeleine de Verchères, ni monsieur Dollard qui est le plus grand, c’est François Hertel, si vous voulez le savoir ». À vrai dire, le sexe fort déplaçait légèrement la question. Thérèse laissa faire pour si peu et se mit sur la défensive.

J’aime mieux vous le dire tout de suite : mon neveu Paul n’est point de l’école de Fustel de Coulanges en histoire. Il en prend à son aise avec le réalisme objectif. C’est plutôt un historien romantique. Son cahier de thèmes ouvert devant lui, il parcourut des yeux une lettre de François Hertel au Père Lemoine, que le maître, justement la veille, a dictée à toute la classe. Et alors nous avons entendu, Thérèse et moi, une leçon d’histoi-