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Au Long-Sault

d’avril 1660, décidaient de venir ici, sur le passage des bandes iroquoises, accepter l’immortelle tranchée.

Ils ont eu besoin de leur foi pour concevoir l’idée de leur sacrifice. C’est à leur foi qu’ils vont demander la force de l’accomplir. Autour d’eux, même en ce temps-là, on leur disait qu’ils n’étaient point le nombre et qu’ils seraient écrasés ; on leur disait d’attendre, que l’heure n’était point venue, qu’ils seraient des téméraires, qu’ils iraient compromettre leur cause et vainement sacrifier leur vie. Autour d’eux, il y avait des larmes étouffées, des sanglots qui leur prenaient le cœur, des étreintes qui voulaient les retenir et les enchaîner, Un moment, toutes ces larmes et tous ces conseils de faiblesse menacent de l’emporter. Un de leurs camarades se désiste de sa promesse et la fermeté du petit groupe menace de se dissoudre. C’est alors que les autres s’accrochent au soutien suprême. Dans une pensée sublime de désintéressement, quelques-uns font leur testament et se dépouillent de leurs biens. En dépit de tous les conseils de prudence ou de lâcheté, un matin, les chevaliers se retrouvent tous les dix-sept dans la petite chapelle de l’Hôtel-Dieu. Là, ils se confessent et ils communient. Quand ils se relèvent, plus forts que toutes les pusillanimités, convaincus que la mort, pour sauver une cause, vaut mieux quelquefois que la vie, tous ensemble à l’appel du prêtre et de leur chef, Dollard, ils lèvent la main et par un serment solennel, s’engagent à ne demander et à n’accepter aucun quartier, mais à combattre jusqu’au dernier souffle de leur poitrine.

Les voici maintenant dans leur tranchée du Long-Sault. Autour d’eux, autour de leur fragile rempart de palissade, l’enfer s’est déchaîné. Huit