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Marguerite Bourgeoys

ta pour mourir. Une telle vie, menée entièrement sur ce rythme, ne pouvait s’achever que dans un acte de suprême beauté. Une jeune religieuse agonisait ; maîtresse de novices accomplie, de grandes espérances s’étaient posées sur elle. Marguerite apprend l’émoi de la communauté. Dans un dernier élan elle se ranime ; elle lève vers Dieu ses vieilles mains impuissantes, et elle s’offre à mourir en faveur de sa fille encore jeune. L’agonisante revient à la vie et la Mère Bourgeoys, la vieille religieuse de quatre-vingts ans, chargée de travaux et de choses sublimes, s’éteint dans ce parfum d’holocauste.


Voilà la vie que l’autre jour l’on a célébrée. Qui dira la bienfaisance de telles fêtes du souvenir ! Elles nous permettent de reprendre, de temps à autre, l’inventaire de nos richesses trop méconnues. Parfois, devant le spectacle de la grande ville actuelle, le soir, sous le scintillement de ses feux et de ses opulences, ou, le jour, aux heures où mugit le monstre haletant, cette angoisse nous est venue, peut-être, que, sous le poids brutal de cette masse, sous le flot montant de ces barbaries, le vieux Ville-Marie s’en allait, à jamais submergé et notre passé et nos destinées avec lui. Mais, en ces jours derniers, nos yeux et nos souvenirs ont pu se poser sur quelques points de la vieille cité. Des passants ont défilé, plus émus, le long de l’enceinte du Séminaire de la montagne, où se dressent, rayonnantes de lumière et de souvenances héroïques, les tours de pierre où vécut et enseigna la Mère Bourgeoys. Des pèlerins sont allés vers l’oratoire de la Maison-Mère de la rue Sherbrooke, si modeste, et si imposant par le sarcophage de la sainte et par l’émotion que l’on y prend. Ils sont