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Marguerite Bourgeoys

que leur esprit de foi se manifeste par des gestes et des mots qui sont tous pleins de saveur.

Nous vivons alors en pays de hiérarchie féodale. Marguerite Bourgeoys a vite fait de choisir sa suzeraine. La Congrégation sera proprement le « fief de la Sainte Vierge ». Pour bien marquer cette suzeraineté, les vassales décident que tous leurs biens, maisons, portes, linge, mobilier, porteront le chiffre de Notre-Dame. Sous un protectorat de si haut lignage, les affaires de la communauté, il faut s’y attendre, seront conduites d’après des vues quelque peu exceptionnelles. Par exemple, que parle-t-on à Marguerite d’un cloître qui protège les Sœurs ? Elle demande si elles peuvent souhaiter une plus grande protectrice que l’auguste gardienne à qui le Père Éternel a confié la très sainte Humanité de son verbe ? Parfois c’est à déconcerter toute prudence humaine. Marguerite Bourgeoys est de celles qui bâtissent les œuvres religieuses avec plus de foi que de calcul. Et nous voici en pleine hagiographie. Sur les mille francs offerts comme dot à Marie Raisin, l’une des premières compagnes de Marguerite, la fondatrice ne veut accepter qu’un peu moins du tiers de la somme. Un membre de la Compagnie de Montréal lui propose-t-il d’assurer l’avenir matériel de sa communauté, elle refuse net. Pour rien au monde, elle n’ose entamer le patrimoine de pauvreté qu’elle entend léguer à ses Sœurs. Et la merveille, qui n’étonnera personne, c’est qu’en dépit de cette économie si étrange, l’œuvre vit et grandit. Après l’incendie de 1683, Marguerite commence à reconstruire avec quarante sols bien comptés : ce qui ne l’empêche point d’édifier, en peu de temps, une maison qui est « grande et spacieuse et des mieux bâties de la ville », écrit Sœur Morin. Voi-