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Marguerite Bourgeoys

Ville-Marie, pour aller fonder, en face de Québec, la petite école de l’Isle d’Orléans, elles emportent dans leurs mains, un petit paquet de linge et une seule couverture.

Que leur importe ! Pour accepter ce dénuement et se jeter « à l’apostolique », dans ces courses hardies, les petites religieuses de la Nouvelle-France n’ont qu’à lever les yeux vers Marguerite, leur fondatrice et la première dans la vaillance. Le jour où il faut partir pour solliciter en France des lettres royales en faveur de la communauté, n’ont-elles point vu l’intrépide femme prendre la mer, seule de son sexe, n’ayant que dix sols dans sa bourse ? Plus tard, en l’année 1689, dans la capitale de la Nouvelle-France, un danger menace tout à coup l’institut. Marguerite n’hésite pas ; elle prend son bâton de pèlerine. Vers la fin d’avril de cette année 1689, le long des côtes de cent quatre-vingts milles qui vont de Montréal à Québec, nos ancêtres voient passer, marchant dans la neige et dans la boue, le soir sollicitant un gîte aux maisons de la route, une vieille femme de soixante-neuf ans, qui s’appelait Marguerite Bourgeoys.

Ce sont là les grandes hardiesses, les coups glorieux du dévouement. Il faudrait voir l’héroïsme obscur, les sacrifices cachés, consentis chaque jour pour les petites écoles de la Nouvelle-France. L’ardeur de leur charité a rendu ces femmes très fières. Leurs écoles, elles ont résolu de les tenir gratuitement. Aux pauvres colons déjà trop chargés de travaux et de soucis, elles ne demanderont point de rétribution, pas même leur subsistance qu’elles ne veulent devoir qu’à leurs mains. Elles font donc la classe tout le jour ; le soir, la nuit, une lumière reste tard à leur fenêtre ; elles travaillent