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Notre Maître, Le Passé

Mais de telles religieuses ne sauraient se porter sur tous les points ; il en faut d’autres qui aient le pied libre des missionnaires ; il en faut qui puissent se soumettre aux exigences des petites missions où, loin de trouver un cloître, elles trouveront à peine un logis. Marguerite Bourgeoys veut, au surplus, que, faite pour le petit peuple, la Congrégation en demeure tout près ; elle veut qu’elle s’y recrute, qu’elle soit ouverte aux filles les plus pauvres, que pour personne n’existe l’obligation de payer une dot. Ses vues finissent par triompher devant l’autorité religieuse. Et voici qu’un jour, dans cette atmosphère de Ville-Marie où naissent d’eux-mêmes les beaux projets audacieux, des femmes sans ressources acceptèrent cette mission d’aller, par les côtes de la Nouvelle-France, tenir les petites écoles, pour l’amour du peuple et de Dieu.

Je ne sais si nous apprécions, comme il convient, la vaillance de ces douces femmes aujourd’hui perdues parmi les anonymes de notre histoire, mais qui jadis ont contribué, pour leur part, à la naissance des héros. L’œuvre qu’elles acceptent est de celles qui exigent la grande mesure du courage. À Ville-Marie, la première école de la Congrégation s’ouvre dans une étable de pierre, étable, nous rapporte la fondatrice, qui « avait servi de colombier et de loge pour les bêtes… Il y avait un grenier au-dessus, où il fallait monter avec une échelle par dehors, pour s’y coucher ». Celles qui vont dans les côtes, sont-elles mieux logées ? La vieille chronique vient nous dire que, dans les premières missions de ce temps-là, les Sœurs n’ont ni lits, ni draps, ni matelas. Quand Sœur Anne et Sœur Barbier partent à pied de