Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
Notre Maître, Le Passé

moins de vingt ans pour dresser la carte complète de ce nouvel empire, pour en organiser le commerce et les routes militaires. Comptez et mesurez ce merveilleux effort, et vous conviendrez qu’il n’y a peut-être pas, dans toute l’histoire des explorations modernes, d’aventure aussi prodigieuse que celle-là ; et si le nom des conquistadors se lève devant vous, ce sera pour vous apprendre que nos coureurs de fleuves ne les ont rencontrés au bout de leur chemin que pour les dépasser.

Chateaubriand promenant un jour, en esprit du moins, ses rêveries mélancoliques sur les rives du Meschacébé, écrivait : « Nous sommes exclus du nouvel univers où le genre humain recommence. » Franco-Américains, vous vous rappellerez que la gloire de vos pères n’est pas morte aux rivages où se promènent encore les grandes ombres de Marquette, de Jolliet et de La Salle, et que votre exclusion de ce « nouvel empire » ne sera prononcée que par vous. Voyez plutôt comme cette épopée a touché profondément les plus grands historiens américains. Francis Parkman n’a pas consacré moins de trois volumes de son grand ouvrage aux origines françaises des États-Unis. William Bennett Munro a écrit pour les mêmes fins, ses Crusaders of New France. En ces derniers temps John Finley allait raconter aux auditeurs de la Sorbonne, Les gestes des Français au cœur de l’Amérique. Et, parmi tant de pages où la gloire de vos pères est célébrée, vous recueillerez cette confidence de l’universitaire : « Bien des fois, en faisant, ces années dernières, avancer ma barque à la perche ou à l’aviron, sur quelqu’un de ces affluents (du Mississipi), j’ai pensé et dit à mon compagnon :