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Notre Maître, Le Passé

peuple, des impulsions immatérielles qui l’animeront à durer.


Car le labeur de la Nouvelle-France n’est pas achevé. Après avoir eu tant de peine à naître et à vivre, la question se posera pour elle de survivre.

Le premier service que nous rendit l’Église, au lendemain de 1760, fut de nous conserver la foi. Qui oserait prétendre, en effet, que la foi des vaincus eût subsisté en ce pays, si nos chefs religieux avaient cédé aux manœuvres du vainqueur et accepté la suppression de l’épiscopat ?

Ce service, a déjà quelque valeur pour un peuple qui sait le prix de la vérité religieuse. Mais ajoutons avec l’histoire que l’Église a coopéré plus que personne à la préservation nationale. Si nous cherchons les causes de notre survivance, il faut écarter résolument tout ce qui évoque l’idée de la puissance matérielle. Qu’était-ce, pour faire face à la plus grande puissance européenne du dix-huitième siècle, que 65,000 paysans ruinés par la guerre, abandonnes à eux-mêmes ? Si nos pères ont survécu, c’est qu’une certaine dignité morale leur a donné la fierté de rester eux-mêmes ; c’est que leurs institutions familiales, la pureté de leurs mœurs, leur permirent d’enfanter abondamment de la vie ; c’est que le travail les garda laborieux, leur accorda de refaire leur pays et d’en agrandir le domaine ; c’est enfin que leur organisation sociale sut grouper, pour les rendre puissants, les petits efforts et les modestes ressources. Les œuvres, les organismes de vie et de résistance que ni la richesse ni le nombre ne pouvaient créer, le désintéressement, le courage les mirent debout. De telle sorte que, parmi les causes de