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Ville-Marie



Ville-Marie ! Ce mot évoque un paysage d’histoire héroïque où flotte une atmosphère de légende. En aucun point de notre pays l’on ne vit pareille floraison d’héroïsme dans un décor aussi surnaturel. Jamais réalité ne ressembla plus à de la fiction.

Écoutez bien ! Cela débute comme une légende dorée : « Le dessein des Associés de Montréal est de travailler purement à la gloire de Dieu… Les Associés espèrent de la bonté de Dieu, voir en peu de temps une nouvelle Église qui imitera la pureté et la charité de la primitive.»

Ville-Marie, c’est d’abord le choix d’un poste dangereux, poste d’avant-garde, qui permet tout de suite de mesurer les âmes. Ville-Marie est au point de rencontre de toutes les grandes routes fluviales par où descendent les sauvages. Ville-Marie est un lieu sinistre. Les premiers Algonquins qui viendront rendre visite à la petite colonie, diront en montrant la plaine au pied de la montagne : « Nous sommes de la nation de ceux qui ont autrefois habité cette île… Voilà les endroits où il y avait des bourgades remplies d’un grand nombre de sauvages. Nos ennemis en ont chassé nos ancêtres et c’est ainsi que cette île est devenue déserte et inhabitée. »

Les premiers fondateurs ne redoutent point les pas périlleux. S’ils n’étaient si simples et si doux, on dirait des guerriers en dentelles qui affectent de se battre et de mourir en beauté. Quand de Maisonneuve arrive avec sa flottille et ses cin-