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Notre Maître, Le Passé

point que, pour tirer quelques politiciens d’embarras, il dût porter devant le public le soupçon d’avoir trompé son peuple. Il se défendit. Ce fut une belle lutte mais bien inégale entre l’évêque de noble race que le sentiment de l’honneur et que la passion du droit élevaient au-dessus de lui-même et les petits politiques d’Ottawa habitués à ne rien faire que les yeux sur Toronto et redoutant moins de se déshonorer que d’oser jusqu’au courage. Pressés dans leurs derniers retranchements, ces politiques iront jusqu’à nier les promesses solennelles faites au négociateur de la paix aussi bien qu’aux délégués de la Rivière-Rouge. Devant ce nouveau coup l’évêque ne fléchit pas. Entrevues, lettres, il publie tout et le public est constitué juge de sa loyauté. À certaines heures il ne se défend pas d’un accès de dégoût : « Quelle triste chose que d’avoir à traiter avec les politiciens, » s’écrie-t-il. Mais son énergie se relève aussitôt. Voyages, écrits, discours, il n’épargne rien pour sauver la justice. Avec la haute supériorité que lui donne la conscience de son droit, il tance sans ménagements les ministres apeurés : « Vous êtes Canadien français », écrit-il à l’honorable Fournier, « il me semble que nous ne devons pas avoir cessé d’être quelque chose dans notre pays. De grâce, prouvez-nous le donc. »

Hélas ! on le sait : la peur l’emporta. L’amnistie ne fut accordée que tardivement, avec des restrictions qui abandonnaient au fanatisme les principales victimes. Le Québec avait trop attendu pour faire tête aux clameurs de l’Ontario ; les ministres canadiens-français avaient trop appris à ne pas craindre leurs compatriotes pour choisir de rester dignes.

Par malheur, et comme il arrive toujours, le