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Notre Maître, Le Passé

allant évangéliser les sauvages de l’Extrême Ouest ?… Enfant, je me suis amusé en ce lieu tout embaumé des suaves odeurs du dévouement et de l’héroïsme, et, au milieu de ces jeux, de ces amusements, une pensée grave m’a attiré, une voix éloquente, comme celle d’un monument, m’a indiqué la route à suivre et je suis parti ».

Des influences de la race et de l’histoire que développèrent tout d’abord une éducation toute maternelle, puis celle de vrais maîtres au séminaire de Saint-Hyacinthe, sortit à vingt ans un jeune homme d’une rare complexion spirituelle. Nature fine, élégante, il tient de sa belle lignée française, un esprit de distinction charmante qui brille d’abord par la grâce plus que par la force. Sa conversation, le style de ses lettres ont le trait, l’enjouement perpétuel. Et pourtant cette élégance naturelle n’empêche pas la vigueur. Quand le désert de l’Ouest, avec sa solitude et ses vastes horizons, auront fini de le former, il fera voir une noble intelligence, capable de tous les aperçus, habituée au plus haut vol. Aucun problème religieux ou politique de l’époque n’a laissé inactif l’esprit de cet homme qui passa les meilleures années de sa vie à courir les prairies et les fleuves de glace, dans la compagnie des Indiens. Son œuvre de publiciste ne formerait pas moins de dix volumes ; entre deux courses il écrit une dissertation sur les méridiennes ; et son « Esquisse sur le Nord-Ouest de l’Amérique » restera, au jugement d’un critique, « le recueil le plus complet et le plus exact de renseignements hydrographiques, ethnologiques, botaniques, zoologiques sur cette vaste région, qui ait jamais été publié dans notre langue. »[1]

  1. H. de Lamothe, Cinq mois chez les Français d’Amérique.