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Nos Zouaves

Saint-Grégoire, celle d’Acton-Vale ou quelques autres, qui s’en vont reconduire sur la grand’route, leurs petits pèlerins de Rome.

Ah ! oui, que le bon peuple leur jette ses palmes : ils sont les fils de ses plus intimes qualités, les témoins de son idéal. Et c’est le temps de voir quels témoignages ils nous ont rendus. Voyez d’abord comme ils savent garder dans le sacrifice la belle humeur française. Ils ont mis à la pointe de leur âme le plumet d’une bravoure de race, tranquille et joyeuse, j’allais dire en dentelle. On avait appelé les premiers zouaves de Lamoricière, « les diables d’Afrique » ; on appela ceux-ci « les diables du Bon Dieu ». Si Prendergast, Hainault et Désilets partent avant les autres, c’est qu’ils craignent d’arriver trop tard et « de perdre la chance de se faire emporter la tête. » À Rome, en foulant les antiques voies romaines, nous songions nous-mêmes, après quarante ans, que les gars de chez nous étaient passés là — leurs chroniques nous le disent — en chantant « À la claire fontaine… » « Par derrière chez nous… » Et de songer que de pareils échos avaient réveillé un jour les vieux souvenirs des triomphateurs, le long des célèbres hypogées, nous donnait une impression étrange de charme et de fierté, quelque chose d’un imprévu indéfinissable.

Je me suis donné la peine de recueillir aussi quelques-unes de leurs paroles. On a parlé en 1868 comme on parlait autrefois sous le heaume et la cotte de mailles. Lors du premier départ, Mgr Bourget, dans Notre-Dame de Montréal en grande fête, est venu remettre aux croisés leur drapeau, et il a dit : « Voulez-vous, braves enfants de la religion et de la patrie, prendre l’engagement d’honneur de ne jamais rien faire, pendant la noble ex-