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Notre Maître, Le Passé

d’une race il faut plus que la spontanéité de quelques âmes. On veut que, sur tous les points du territoire, les fibres de tous les cœurs aient tressailli à l’ébranlement sacré. Aujourd’hui surtout : l’âme des nations n’est plus accaparée par des oligarchies orgueilleuses et fermées ; elle ne tient plus dans les cerveaux de quelques-uns ; elle se diffuse dans les moindres unités du petit peuple.

En « 68 » nous avons connu cette unanimité héroïque. Quelques chiffres le feront voir. Le premier régiment qui partit, contenait 135 recrues. Et les départs continuèrent jusqu’au premier septembre 1870. Aussi vite que les comités pouvaient fournir l’équipement, des zouaves se présentaient pour prendre l’uniforme. Et d’autres attendaient leur tour. Il en partit 500, — il en était venu plus de 1,200. « Depuis Ottawa jusqu’à Paspébiac », ce fut un frémissement généreux. Plus de deux cents paroisses voulurent avoir leurs zouaves dans la petite armée pontificale. Ils venaient de toutes les classes, de tous les groupes ; d’abord en grand nombre des séminaires et des collèges, puis des ateliers, des bureaux professionnels, des villes et des campagnes. Là où l’on ne peut contribuer en hommes, on donne son argent, son enthousiasme, et toujours ses prières pardessus le marché. Chacun veut y aller de son obole pour la délivrance du Pape. Il y a le sou du zouave, et dans les couvents et dans les écoles, on organise des fêtes de charité pour que les petits soient aussi de la croisade. C’est au point que la rivalité s’en mêle entre paroisses et diocèses. Et maintenant voulez-vous savoir où s’en vont ces longues files de voitures, ces foules qui se déploient par les chemins, bannières déployées et vibrantes de cantique ? C’est la paroisse de Bécancour, c’est celle de