Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nos Zouaves



Nous n’avons pas été les seuls à les trouver beaux. Victor de Laprade a salué au passage ces Français du Nouveau-Monde qui avaient écrit sur leur drapeau : « Aime Dieu et va ton chemin ». Louis Veuillot s’est incliné devant cette apparition de Croisés en plein siècle de M. About et de M. Renan ; il mettait au défi le génie de M. Hugo de fabriquer une épopée comparable à celle-là.

Un autre, que l’on connaît moins, s’appelait Pierre des Jars de Kéranroué. À Rome, un bon hasard l’avait fait « instructeur du convoi commandé par Taillefer », ainsi qu’il se plaisait à dire. Je le découvris pendant l’été de 1908, à Penvénan des Côtes-du-Nord. Seigneur terrien, il continuait là une autre croisade pour la terre qui meurt. Il avait gardé presque un culte pour ses anciens zouaves du Canada et pour cette admirable Nouvelle-France qui les avait envoyés. En leur souvenir à tous deux, devant le manoir de Pencréch, se profilait une longue avenue de thuyas canadiens. Et souvent je l’avais rencontré qui promenait là ses nostalgies de vieux soldats en retraite, toisant les thuyas avec hauteur, comme s’il eût passé en revue son ancien régiment, presque aussi grand que les jeunes arbres, malgré ses épaules penchées. Un soir du mois d’octobre je m’en vins prendre congé. Sur la page blanche d’un « Mgr Ketteler » de Georges Goyau, livre emprunté qu’il me priait d’emporter, il voulut consacrer le souvenir de nos causeries. Debout dans l’ombreuse avenue, avec une sorte de solennité tragique, acclamant chacun