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Notre Maître, Le Passé

la patrie en nous laissant aller vers nos destinées naturelles, nos politiques, depuis vingt ans, ont déprimé sans relâche l’âme nationale en faisant du Canada un État-serf de l’empire britannique.

Pendant ce temps la paix intérieure du pays se voyait gravement troublée. Au spectacle de cette poignée de main que projetait dans le ciel le mortier de 1867, qui eût pu prévoir que l’une de ces mains se tendait pour broyer l’autre ? Cependant, cinq ans à peine après le serment d’alliance des deux races, la plus forte commençait déjà d’assaillir la plus faible. En 1872 c’étaient les droits scolaires des catholiques et des Acadiens des provinces maritimes qu’on battait en brèche. De là l’attaque se portait contre les catholiques de l’Ontario, puis dans les nouveaux territoires de l’Ouest, dans le Manitoba, dans le Keewatin, puis de nouveau dans l’Ontario, avec la méthode et l’acharnement que l’on sait. Aujourd’hui, au moment même où l’on fête le cinquantenaire de la confédération, toutes les minorités françaises du Canada se tiennent sur la défensive ; la plupart doivent se battre pour le droit suprême de l’existence

Ces injustices se consommaient cependant sous l’œil de notre gouvernement central qui a démontré jusqu’ici son impuissance à les empêcher. En quelle heure de crise l’a-t-on vu tenter quelque chose d’efficace pour défendre les minorités et maintenir intacte l’une des bases du pacte de 1867 ? Dans ses propres ministères, il a laissé s’organiser une guerre implacable contre l’influence française et les droits du français. Trop peu éclairés pour songer à ces graves détails, les chefs canadiens-français de 1867 avaient négligé de faire passer tout de suite, dans les faits, le bilinguisme