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Notre Maître, Le Passé

rédigées en quelques jours et par des hommes. « Une assemblée quelconque d’hommes », a écrit Joseph de Maistre, « ne peut constituer une nation. Une entreprise de ce genre doit même obtenir une place parmi les actes de folie les plus mémorables. » En tout cas l’histoire de ce pays ne laissait pas ignorer aux gouvernants du Canada la faiblesse congénitale de notre fédération. Au plus tôt il fallait parer au vice originel du pouvoir central si impuissant d’ordinaire à rallier aux fins communes les unités divergentes comme à maintenir le respect des droits mutuels. Contre toutes les forces séparatistes, il fallait s’efforcer de créer rapidement un esprit canadien, une âme nationale. Cette âme ne pouvait être le résultat du progrès matériel, si prodigieux fût-il. Elle serait faite avant tout du partage des mêmes sentiments et des mêmes idéaux. « Ce qui achève de vivifier l’idée de patrie », a dit Brunetière, « c’est le groupement de quelques millions d’hommes autour de deux ou trois idées maîtresses conçues et obéies comme la règle intérieure de leurs résolutions. » Il fallait donc développer un patriotisme bien rationnel, bien « objectif », tenir compte de ce fait d’élémentaire psychologie que l’homme ne s’attache profondément qu’au sol où il est né, au sol que le labeur vient confondre avec sa personnalité ; il fallait, pour rendre le pays plus cher, le faire plus beau, plus autonome, de plus en plus la propriété de chacun. En quelques-uns de ses éléments, qu’est-ce autre chose, l’amour de la patrie, que l’amour de la propriété agrandie ? Enfin, pour conserver et fortifier la cohésion des États fédérés, il fallait placer au-dessus de toute atteinte les droits de chacun, fonder ainsi sur un intérêt supérieur la volonté de rester uni. Constituées avant