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Notre Maître, Le Passé

du Nord, » voici qu’une violation du droit était faite, et non seulement les violateurs ne s’attiraient pas la réprobation, mais la majorité des citoyens du pays, toute l’opinion anglo-canadienne se solidarisait avec eux pour applaudir l’injustice et en empêcher la réparation. La désillusion vint à Cartier si rapide et si complète qu’il dut la ressentir cruellement. Il avait trop cru à la générosité des forts. L’édifice venait à peine de s’élever que déjà des lézardes en faisaient trembler les murs. Sir Georges sans doute n’en voulut pas voir davantage. Et, dans cette affaire des écoles du Nouveau-Brunswick, il choisit de nier le droit au désaveu, pour épargner à son œuvre une secousse qui, dans sa pensée, l’eût fait crouler.


Voilà donc, aussi justement que nous avons pu les définir, les idées et la conduite religieuses de Cartier. Il fut un bon catholique ; il ne fut pas un grand catholique. Il aima l’Église, il n’a jamais nourri contre elle, nous le croyons franchement, aucune pensée d’hostilité, ni même de défiance. Il s’en montra volontiers le serviteur et le défenseur ; mais peut-être ne fût-il pas allé jusqu’au martyre. Il lui manqua une foi plus éclairée, un sens plus profond de l’orthodoxie qui l’eût gardé de certaines aventures. Comme tous ceux qui vont se coucher sur ce lit de Procuste, il a subi, nous en avons peur, les amoindrissements de la politique. En dépit de ces faiblesses, le catholique chez Cartier demeure néanmoins d’une belle grandeur. Rien n’empêche les Canadiens français de souhaiter à leur race une incarnation plus complète. En attendant, ils peuvent, sans forfaire, s’incliner devant ce solide croyant.

Septembre 1914.