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de nos voisins. Sujet d’une colonie tenue en lisières, mais voisine des États libres, il regarda comme des synonymes, les mots de république et de liberté. Que de fois, avant 1837, l’Assemblée législative de Québec entendit l’orateur exhaler en pompeux discours son idéalisme républicain ! Il y voyait le moule fatal et suprême où viendrait se figer l’avenir de l’Amérique entière. Son séjour en Europe, ses relations avec quelques rêveurs politiques, achevèrent de déformer sa vue. Quand il arriva à Paris, vers 1840, le patriotisme français, en pleine crise, se diluait dans l’humanitarisme inconsistant. C’était le triomphe des idéologues romantiques qui élevaient la nouvelle doctrine à la hauteur d’un messianisme. Dans son « Livre du peuple, » Lamennais honnissait le nom d’étranger ; et Lamartine entonnerait bientôt « La Marseillaise de la Paix »…

« Ma patrie est partout où rayonne la France. »

Papineau ne sut point se défendre tout à fait de la creuse illusion. Rien de plus révélateur à ce sujet qu’une de ses lettres du 31 octobre 1854. On y voit se heurter, dans la pensée de l’ancien chef national, le rêve humanitariste et le patriotisme mal résigné à mourir. Son fils Amédée a pris la parole à une commémoration de l’arrivée des colons de Plymouth. À ce qu’il semble bien, le jeune homme s’est permis de censurer les sociétés nationales canadiennes. Tout d’abord son père le reprend de cette critique : « C’est poser comme trop raisonnable, au milieu de tous ceux que l’on dénonce comme ne l’étant pas assez, lui écrit-il. C’est laisser dire que quand on a une tête assez forte, pour trouver bon d’échanger sa nationalité primitive contre une nouvelle, néo-canadienne et mixte, de toute langue et de toute origine, c’est que