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parler franc, son tort fut-il si grand de tenir rigueur aux Canadiens du rôle accepté par eux sous les divers gouvernements de l’Union ? Loin de nous de vouloir trancher, en ces quelques pages, un si grave problème historique. Mais si le désintéressement absolu de la politique eût été une faute grave en 1841 ; si même l’abrogation immédiate de la loi d’Union pouvait paraître une chimère, les Canadiens français n’avaient-ils donc que ce choix redoutable de se constituer parti de gouvernement ? L’œuvre accomplie par les ministères de coalition, par La Fontaine et Baldwin et par leurs héritiers, ne laisse pas d’impressionner au premier abord. Mais pour qui regarde plus loin que le succès immédiat, cette œuvre compense-t-elle les pertes d’ordre moral que durent en porter notre province et notre race ? Les gains de la liberté pendant l’Union n’auraient-ils pu être tout aussi bien le butin d’un parti français resté les mains libres devant le pouvoir, prêt à donner son appui à qui l’eût mérité. Et n’eût-ce pas été, après tout, l’adoption toute simple de « l’O’Connell tail-system » qu’avant l’inauguration du nouveau régime, un groupe nombreux de patriotes préconisèrent ?

Sur les résultats d’une telle politique, les opinions peuvent assurément diverger. Mais est-il défendu de penser qu’elle eût retardé de vingt-cinq ans chez nous les ravages du parlementarisme ? Je ne sais rien, en toute notre histoire, d’aussi navrant que la cupidité frénétique où les Canadiens de cette époque se laissèrent emporter dans la chasse aux honneurs et aux places. Le spectacle donna bientôt des nausées à l’auteur même de la politique de 1842 et détermina, pour une bonne part, on le sait, sa retraite de la vie publique. Qui ne connaît, en effet, le mot tristement