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Notre Maître, Le Passé

dégage une pensée particulière, une intention longue et perpétuelle, qui est la tradition. L’histoire s’empare de cette pensée, elle la dissémine au fond de l’âme de tous ; elle crée la lumière et la force qui ordonnent les activités innombrables d’un peuple vers l’accomplissement de ses destinées.

Si l’on admet ce rôle de l’histoire, et comment ne pas l’admettre ? — quelle clarté funèbre ne vient-il pas projeter sur notre situation présente ! Qui peut s’étonner que notre vie actuelle apparaisse avec quelque chose de désarticulé ? La masse de nos pauvres gens ne connaît, hélas ! que l’époque où elle a vécu, les quarante ou cinquante ans qu’aura duré son existence. Elle ne se croit pas « la minute d’une chose immortelle », mais un moment isolé, un chaînon brisé. Combien d’autres ont enfermé leur science de notre passé dans quelques formules oratoires, résidu du temps de collège, vidé depuis longtemps de substance et de ferment généreux.

L’enseignement de l’histoire nationale s’impose donc comme une nécessité de salut.


Mais les professeurs de patriotisme ne doivent point se cacher la vérité. Le réveil d’un peuple est une longue et immense entreprise. Depuis qu’il faut compter avec la souveraineté de l’opinion, c’est constamment une gigantesque bataille entre les forces du bien et du mal, entre les puissances de la vérité et de l’erreur. Ceux qui se rendent maîtres des esprits, ce sont les groupes les plus forts parce que les mieux organisés, ceux qui jettent dans la circulation les mots d’ordre les plus entraînants et les plus persévérants. Il ne peut suffire de tuer l’apathie et le sommeil. Pour odieux et extraordinaire que cela doive paraître,