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Notre Maître, Le Passé

eux appartenaient, du reste, à cette ancienne noblesse de la Nouvelle-France qui achevait de se déshonorer dans l’abdication du sang. Les symptômes de l’état d’âme nouveau, nous les apercevons dans le scandale que provoquent, même parmi les nôtres, les hardiesses pourtant fort tempérées du « Canadien ». On les pourrait aussi découvrir en certain discours de Mgr  Plessis où s’opposent l’un à l’autre, avec la plus grande défaveur pour le premier, le régime français et le régime de la conquête. Y a-t-il si longtemps que la Chambre a voté, les yeux presque fermés, la fondation de « l’Institution royale » ? Et le chef de l’Église, pour expliquer de si aveugles complaisances, n’avouera-t-il pas un jour, le sommeil du clergé ? Enfin Papineau, qui est ici un bon témoin, nous confesse que, pour la jeunesse de son temps, l’axiome « si veut le roi, si veut la loi », restait toujours la directive souveraine.

Une nécessité pressante requérait donc une force de réaction. En pays parlementaire, cette force pouvait apparaître si un homme surgissait, assez fort, assez doué par la nature pour être suivi des foules, assez près de l’idéal de sa race pour en être la conscience. En histoire, s’il faut admettre le déterminisme de causes permanentes, telle la race dont la vertu tend à développer des lignes droites, d’autres causes néanmoins peuvent imprimer à l’évolution de brusques courbes, tels l’apparition, le rôle du grand homme. En art comme en histoire, observe un écrivain contemporain, « l’intervention arbitraire de la personnalité humaine prime tout. » Combien de fois l’intervention d’un seul homme n’a-t-elle pas changé le devenir historique d’une nation et même du monde ? Or ce chef, ce grand homme, nous pouvons dire, sans