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Notre Histoire

transmission de l’esprit. Par le magistère de l’histoire ce qui n’était que vestige presque effacé, tendance ou instinct, devient conscience, idéal et volonté. Nous sentons, à n’en pas douter, un levain mystérieux secouer notre héroïsme en puissance ; dans nos âmes de fils toute la vertu héréditaire se réveille et afflue, et les volontés des ancêtres s’imposent à nos consciences d’héritiers comme des impératifs catégoriques.

En effet, par l’idéal qu’elle maintient et prolonge, par la vision qu’elle donne des buts collectifs, l’histoire fait encore la continuité des générations. Et qui ne voit que c’est presque tout dans la vie d’un peuple ? L’homme ne met de la puissance dans ses actes qu’à la condition de mettre entre chacun une soudure, les appuyant ainsi les uns sur les autres, comme les anneaux d’une chaîne. Mais cette continuité vigoureuse n’est réalisable, d’autre part, que si elle procède d’une pensée directrice, d’un idéal qui contient en puissance tout le dessin d’une vie.

Ainsi en est-il pour un peuple. Son existence n’aura d’unité et de vigueur que si l’action des générations s’ajoute et s’emboîte sans cesse. Sa tâche est d’enfermer ses activités dans les moules ou les formes qui répondent à son génie et de faire en sorte que les vivants continuent d’être gouvernés par les morts.

Mais qui n’aperçoit de là le rôle souverain de l’histoire ? Dans cet effort des générations vers le même but inaltérable, c’est elle qui conserve la vision du but et la pensée directrice, l’idéal ; c’est elle qui révèle le plan selon lequel s’est développé le passé. De l’ensemble des actes des ancêtres, de leurs résolutions, de leurs attitudes dans le labeur quotidien comme aux heures plus graves, se