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Un Geste d’Action Française

nous a si souvent représenté comme un ami de la population canadienne-française. A-t-il oublié déjà que j’appartiens à cette origine si horriblement maltraitée par l’Acte d’Union ? Si c’était le cas, je le regretterais beaucoup. Il me demande de prononcer dans une autre langue que ma langue maternelle le premier discours que j’ai à prononcer dans cette Chambre. Je me méfie de mes forces à parler la langue anglaise. Mais je dois informer les honorables membres que quand même la connaissance de la langue anglaise me serait aussi familière que celle de la langue française, je n’en ferais pas moins mon premier discours dans la langue de mes compatriotes canadiens-français, ne fût-ce que pour protester solennellement contre cette cruelle injustice de l’Acte d’Union qui proscrit la langue maternelle d’une moitié de la population du Canada. Je le dois à mes compatriotes, je me le dois à moi-même. » (Vifs applaudissements.)

Mesdames, messieurs, une langue, une race étaient sauvées parce qu’un homme avait osé. (Longs applaudissements.) Devant cette protestation si franche et si fière, la Chambre reste muette. Les plus farouches tories n’osent brandir contre l’orateur la foudre de la loi. Il faut bien tenir compte que la voix de La Fontaine sonne du même coup la défaite suprême de l’oligarchie. Ce que le chef canadien-français apporte au parquet parlementaire, en révélant ses entrevues avec le gouverneur, c’est enfin, après tant d’années et tant de luttes, l’avènement du gouvernement responsable. Ceci fit presque oublier cela. La révolution politique de 1842 accapare tellement les esprits que la plupart de nos chroniqueurs oublient eux-mêmes de signaler l’incident du français. L’uni-