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Notre Maître, Le Passé

La Fontaine eut conscience d’être la voix de ce peuple, le chargé de son âme et de son existence. Il se souvint qu’aux heures de péril pour l’existence nationale, le devoir d’un chef n’est pas de se dérober, mais d’esquisser hardiment au-dessus de la foule, le geste de défense et de salut. De la trempe des indéfectibles qui espèrent contre toute espérance, il crut qu’une loi inique n’est pas de force à tuer le droit. Et puisque, par un hasard de l’histoire, il se trouvait que l’on fût au 13 septembre, anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham, la date lui parut bonne pour un brin de revanche. (Applaudissements.)

La Fontaine, prêt à s’expliquer, vient de demander à la Chambre de se former en comité général. Cette demande, il l’a faite en français. C’est alors que M. Dunn, député de Toronto, l’interrompt et lui demande de parler anglais. La Fontaine lui adresse cette première riposte : « Je regrette de ne pouvoir me rendre aujourd’hui à la demande de l’honorable membre ; je le remercie néanmoins, car cette demande qui me vient d’un des membres du cabinet, me fournira un nouvel argument à l’appui du vote de non-confiance proposé contre le ministère. » Quelques députés prirent ensuite la parole ; puis la Chambre se forma en comité général et La Fontaine se trouva debout. Il y avait de l’émotion dans la Chambre ; il y en avait encore plus dans la voix de l’orateur. Et quelle prenante éloquence va passer dans les petites phrases qui lui viennent aux lèvres, phrases toutes simples, sans rhétorique, mais où, avec un sursaut de magnifique colère, se libère victorieusement l’âme française : « Avant de venir au mérite de la question, je dois faire allusion à l’interruption de l’honorable député de Toronto, lui qu’on