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Notre Maître, Le Passé

prêts à faire les sacrifices nécessaires. De tous les éléments sociaux dont nous venons de parler, il faut choisir le plus vivace et les autres devront s’incorporer à lui par l’assimilation… » (Profonde émotion.)

Je l’ai dit ailleurs, mesdames, messieurs : ces lignes sont tristes, souverainement tristes, et ne cherchons pas les vains palliatifs. Il s’agit bien ici d’une abdication totale et décisive. Mais plutôt que de nous élever contre ceux qui l’ont commise, nous, leurs petits-fils, pesant les suprêmes malheurs d’où est venue cette défaillance, puissions-nous nous souvenir que notre race a quelquefois souffert sous le joug britannique, souffert jusqu’à désespérer de tout. (Vifs applaudissements.)

Ce découragement venu de Québec se répandit comme une contagion. Chauveau, jeune témoin de cette époque attristée, nous a laissé dans sa biographie de Garneau un aveu douloureux : « Ce n’était plus seulement avec inquiétude, écrit-il, c’était presque avec désespoir que l’on se demandait ce qui allait advenir de tout ce qui nous était cher. Quelques-uns disaient tout haut que l’on ne pouvait plus être rien dans le pays, à moins de se faire Anglais… d’autres ajoutaient à demi-voix … et protestants. »

« Les gens qui voulaient décorer leur lâcheté d’un prétexte demandaient que l’on considérât la question « au point de vue pratique » ; ils déclaraient qu’il était inutile de se faire illusion, qu’il valait mieux envisager le danger en face, qu’en supposant même que l’usage de notre langue fût toléré dans les documents officiels, nous aurions bien de la peine à nous faire entendre dans un parlement où nous serions toujours en si petit nombre. De là, ils concluaient à la déchéance graduelle de