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Notre Maître, Le Passé

nouveaux, on parlait de sécurité et d’imaginaire « fair-play ».


Le temps presse, n’est-il pas vrai, de faire travailler les causes qui redresseront notre vie, qui y feront entrer une pensée d’ordre et de progrès. Nos dirigeants s’aviseront-ils de méditer quelqu’un de ces jours ce grave avertissement de Montesquieu : « Des peuples sont tombés des plus hauts sommets de la civilisation à la ruine et à la servitude pour s’être abandonnés pendant deux générations. » Mais s’abandonner ne voudrait-il pas dire avant tout rompre avec l’histoire, puisque rompre avec les ancêtres, c’est rompre avec la source vivifiante des vertus héréditaires, c’est briser la continuité de l’action que maintient un idéal persévérant ?

L’histoire ne conserve point le passé à l’état de matière inerte, stérilisée. Elle conserve et transmet de la vie ; elle peut être un multiplicateur de forces. Par elle les vertus et les forces des vivants s’augmentent à chaque génération des forces et des vertus des morts. Sans l’histoire nous ne garderions dans le mystère de nos nerfs et de nos âmes que de vagues tendances des vestiges presque informes de la vie et des héroïsmes anciens. Là s’arrêterait la transmission parcimonieuse du sang et ainsi s’anéantiraient peu à peu tant d’efforts séculaires pour amener jusqu’à nous l’âme enrichie des aïeux. Mais voici que vient l’histoire, doctrine et maîtresse vivantes, passé et tradition recueillis et condensés. Tout le butin glorieux qu’elle a glané le long des routes, elle l’offre à nos intelligences et elle nous fait entrer en possession de notre patrimoine spirituel. À la transmission du sang va maintenant s’ajouter la