Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
Notre Maître, Le Passé

Saxons de voler leur élection à des Canadiens français. Mais surtout la langue française serait bannie de la vie officielle. La langue de nos parlementaires qui avaient mené la lutte contre le despotisme oligarchique, qui, de l’aveu de lord John Russell, avaient été les premiers à revendiquer les libertés constitutionnelles, leur langue n’aurait pas le droit de survivre au triomphe de leurs idées. Ainsi l’avait demandé le parlement du Haut-Canada et ainsi l’avait décrété le gouvernement impérial par l’article XLI de la nouvelle constitution.

Voilà qui est clair. 1840 marque la fin des fluctuations de la politique impériale sur le problème des races au Canada. Ce sont les hypocrisies et les équivoques faisant place à une politique avouée, décisive pour l’étranglement d’une nationalité.

En présence de ce décret implacable, nos pères se sentent las, dégoûtés de la lutte. Ils ont perdu confiance en la justice de l’Angleterre ; ils n’ont plus foi en l’agitation politique. Le doute patriotique les envahit, puis la tentation fatale de l’abdication. Une défection retentissante accentue soudain cette volonté de se démettre. Et elle vient, cette défection, d’où, en ce temps-là du moins, on ne l’eût pas attendue, elle vient de Québec. Là s’imprimait encore le premier journal politique canadien-français, le journal de Pierre Bédard de 1806. Honoré de la haine de Craig et des gouverneurs qui ressemblèrent au « little king », aussitôt qu’il avait pu ressusciter, il était redevenu le même journal d’avant-garde et presque une institution nationale. C’était le laboratoire d’idées où la race allait prendre son mot d’ordre et l’aliment de sa pensée. Dans l’automne de 1839, la