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L’Histoire Acadienne

ques bons fermiers anglais dans leurs habitations. »

Faut-il remonter plus haut et chercher plus loin les responsabilités ? Mesdames, Messieurs, on trouve alors le cabinet de Londres. Consultés en 1720, sur la conduite qu’il fallait tenir à l’égard des Acadiens, les « Lords of Board » écrivaient le 28 décembre 1720 : « Il nous semble que les Français de la Nouvelle-Écosse ne seront jamais de bons sujets de Sa Majesté… C’est pourquoi nous pensons qu’ils devront être expulsés aussitôt que les forces que nous avons dessein de vous envoyer seront arrivées dans la Nouvelle-Écosse » … Sur quoi M. Rameau ajoute ce juste commentaire : « Lorsqu’on lit cette missive ministérielle, on pressent déjà le complot odieux de la proscription, on est saisi d’un frisson ; on croit entendre les premiers sons de la sinistre trompette qui devait ordonner l’embarquement. » Nous savons d’ailleurs que, peu de temps après son exploit, le bourreau du peuple acadien, Lawrence, fut fait « Capitaine général et gouverneur en chef de la Nouvelle-Écosse », de simple lieutenant-gouverneur qu’il était.

Dans la rade de Restigouche, presque à l’entrée du pays acadien, on voyait encore, il y a quelques années, vestige de la dernière bataille perdue par les nôtres en 1760, la carcasse d’un vaisseau de France. Ce débris est un symbole. Depuis la Baie-des-Chaleurs jusqu’à l’ancien Port-Royal, il ne resta plus, après 1760, que de rares débris de la petite race française d’Acadie. Cette population s’élevait à 18,000 habitants ; elle fut dispersée aux quatre vents du ciel. Dix mille au moins furent dispersés ; un bon nombre furent semés sur le littoral anglo-américain ; d’autres chargés sur de mauvais vaisseaux se virent jetés au fond de la mer ;