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L’Histoire Acadienne

enfin, si les Acadiens s’en vont emportant avec eux leurs richesses et leurs bestiaux, les nouveaux maîtres d’Halifax n’y trouveront nullement leur compte. Alors on presse les événements. Au printemps de 1755, Lawrence oblige les gens des Mines à remettre leurs fusils et leurs barques. Le 18 juin, il s’empare de Beauséjour et sépare ainsi les Acadiens des Canadiens. Dans ces conditions, tous les obstacles sont levés et Lawrence peut perpétrer son crime en toute sécurité. Ce crime, l’un des plus lâches et des plus infamants de l’histoire, vous est connu. Mais peut-être, sous l’influence de la légende, n’y voyons-nous trop souvent que le « dérangement » de la Grand Prée. La lugubre vérité c’est que depuis Port-Royal jusqu’au fond de la baie française, jusque dans l’Île Saint-Jean et jusqu’à la baie des Chaleurs, va sévir pendant dix ans, la plus barbare des chasses à l’homme.

C’est par un odieux guet-apens qu’on enferme les hommes dans les églises et qu’on les déclare prisonniers du roi ; c’est avec les plus sordides pensées de spéculation que l’on précise les détails du crime. « Il faudra tâcher, par quelque stratagème », écrit Lawrence, « de rassembler à part les hommes, jeunes et vieux, (principalement les chefs de famille), et les retenir en notre pouvoir, de manière que tout soit prêt pour les embarquer immédiatement, dès que les vaisseaux seront disposés ; cela empêchera les femmes et les enfants de s’échapper avec le bétail. » C’est avec une insouciance féroce que, dès le moment de l’embarquement, et malgré une promesse formelle de Winslow, on démembre le plus grand nombre des familles.

Quand enfin les pauvres proscrits seront embarqués, avant qu’ils aient tourné le cap Blomidon, on leur donnera le spectacle de la flambée géné-