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L’Histoire Acadienne

« Les nations marchent à leurs destinées ; à l’instar de certaines ombres du Dante, il leur est impossible de s’arrêter même dans le bonheur ».

La situation des Acadiens a été fixée par le traité d’Utrecht et par un décret postérieur de la reine Anne. Ils sont admis à demeurer sur leurs terres, à l’état de « neutres », dégagés de l’obligation de prendre les armes pour le conquérant, avec le droit explicite de vendre leurs biens et de quitter le pays quand bon leur semblera. Les Anglais qui séjournent à Annapolis, n’entendent point pour le moment fonder de colonie dans la presqu’île ; ils ont donc un intérêt suprême à retenir les Acadiens pour la subsistance de la garnison. D’autre part, la progression rapide des conquis, le souvenir de leur hardiesse ancienne font peur comme une menace. En cette occurrence que va faire le conquérant ?

C’est ici, Mesdames, Messieurs, que recommence une lutte de quarante ans où l’on vit aux prises, d’une part, la diplomatie la plus fourbe et la plus cauteleuse ; de l’autre, la simplicité d’un petit peuple de paysans sans autre défense que son droit et sa droiture. Dans toute sa réalité ce fut la lutte du loup et de l’agneau. Coûte que coûte, en dépit du traité et d’un acte solennel qui porte la signature de la reine Anne, le conquérant veut arracher aux Acadiens un serment d’allégeance qui les sépare du Canada et de la France. Ruses, flatteries, menaces, tout ce que la force sans scrupules peut inventer de manœuvres perfides les hommes d’Annapolis y eurent recours contre les paysans d’Acadie. Tantôt, par toutes sortes de promesses, ils les engagent à rester sur leurs terres ; tantôt ils les menacent d’une expulsion ; mais à peine les Acadiens demandent-ils à partir, qu’on