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Notre Maître, Le Passé

ménage de leur héritier a toujours été un impérieux besoin, un indispensable moyen de prospérité pour les paysans. »

Que le Play ait dit vrai, il est facile de s’en convaincre par d’autres raisons. Rappelons-nous que l’un des premiers caractères de la famille-souche est de posséder indéfiniment, par un héritier, le bien familial. Puisque celui-ci est indivisible et doit être transmis intégralement, un seul moyen demeure pour l’héritier, de payer à ses frères et sœurs leur part d’héritage : tirer du bien paternel les ressources nécessaires à leur établissement. Et c’est bien ce qu’impose la volonté testamentaire du père. Mais voyez dès lors s’il se peut institution plus propre à imposer l’économie au jeune administrateur, et notez, en outre, que cette économie va s’ordonner vers les buts qui peuvent le mieux en décupler l’effort. Si l’on a pu dire que « l’épargne est partout l’acheminement vers la propriété immobilière », c’est sans doute un peu parce que la propriété immobilière est le meilleur stimulant de l’épargne. Or, dans un temps où le plus grand nombre des enfants se destinent à la terre, où tous ces fils de terriens se sentent indissolublement mariés au sol, c’est à conquérir plus grand de terre que le père avait déjà ordonné ses économies ; c’est à agrandir ce que le père avait déjà conquis, que, dans l’intérêt des cohéritiers et de ses propres enfants, le fils ordonnera à son tour ses propres épargnes. Ainsi, pendant que le sol familial sera voué par état à acquérir du sol et à multiplier à son tour les familles-souches, la loi qui lui crée cette destination est du même coup le meilleur élément de sa prospérité.

Ai-je besoin d’indiquer, pour finir, combien ce régime successoral entretient la solidarité et l’esprit